
Nous tenions, en ce jour anniversaire de sa disparition, à honorer la mémoire de cet immense artiste réunionnais. Tout d'abord à travers un clip réalisé par la promotion 2004 EMIIS de l'ILOI (Institut de L'image de l'Océan Indien) qui mérite tout à fait son extraction du placard à archives, aujourd'hui. Puis à travers l’article que Squaaly lui avait consacré, le 02/05/2003, Hommage à Alain Peters. L’âme du caillou réunionnais sur le site de RFI-musique, une riche évocation de la vie du poète éternel qui, elle aussi, mérite, pour l'occasion, son come-back sur le devant des écrans.
Bon visionnage et bonne lecture à tous, DONC !
L’âme du caillou réunionnais
Fantôme en sa demeure, Alain Peters, poète maudit et musicien accompli, hante toujours l’île de la Réunion. "Personnage central du renouveau du maloya à la Réunion" comme le définit Philippe Conrath, Alain Péters est décédé le 12 juillet 1995 à l’âge de 43 ans, après une vie aux multiples errances, après une vie pleine de maux et de musiques, de mots en musique. Aux antipodes de la douleur qui a guidé sa vie, "ses concerts furent de grands moments de bonheur, une occasion unique de goûter aux fruits doux-amers qu’Alain Péters avait plantés une vingtaine d’années auparavant" rappelle Loy Ehrlich.
Plus connu après sa mort que de son vivant
"Alain, il est immortel " confie avec simplicité Danyel Waro. "Il a laissé beaucoup de belles choses. C’est une valeur poétique et musicale. C’est quelqu’un que je respecte grandement. C’est un rebelle qui ne pouvait pas s’inscrire dans la réalité. C’était quelqu’un de très commun et hors du commun à la fois. Il chantait sa réalité, son abîme. C’était un vagabond. Il n’a pas d’âge. Je le sais mort depuis longtemps, mais il continue d’être en nous". Danyel Waro l’a bien connu. Personnage de légende, figure mythique de la poésie de l’Ile Bourbon, le nom de Péters est désormais prononcé avec respect et chacun y va de son souvenir. Pourtant sur le "caillou" comme l’appelle les habitants de ce bout de France, ils ne sont que quelques-uns à l’avoir approché de son vivant, à avoir partagé son quotidien, à l’avoir suivi dans son "vagabondage" comme dit Danyel Waro, à avoir touché du doigt sa détresse, son mal-être. Parmi eux, l’accordéoniste René Lacaille, aussi présent sur cet hommage, rappelle en quelques mots la place à part de ce musicien et poète : "Il est plus connu après sa mort que de son vivant." Constat imparable qui positionne l’homme au Panthéon des artistes aux côtés des Rimbaud, Hendrix et autres Morrison.
Ses premiers pas musicaux
Alain a été très tôt initié à la musique par son père, chauffeur de taxi, batteur et joueur de flûte pour l'orchestre de cuivres de Chane Kane. C'est dans l'orchestre de Jules Arlanda qu'il fera ses premières armes en choisissant comme instrument de prédilection la guitare. Alain qui n'a alors que treize ans entamera la longue tournée des bals de l'île et ses études à l'école des frères Saint-Michel s'en ressentent. Il abandonnera définitivement celles-ci en seconde, faisant le choix de la vie d'artiste. Au milieu des années soixante, la vague pop rock déferle sur la Réunion et c'est toute une génération qui vibre au rythme de cette nouvelle mode.
Les années psychédéliques
Sa vie, telle une coulée de lave, a tout brûlé. "Il était difficilement gérable" se souvient René Lacaille qui a joué avec lui plusieurs années. "Il était impossible de prévoir une tournée avec lui. Pour chaque concert, il fallait aller le chercher. On ne savait jamais vraiment où d’ailleurs. Il fallait le pister, remonter le fil de sa détresse". Débarqué de métropole, René Lacaille a rencontré Alain Péters au début des années 70. "C’était les années hippies. Nous n’avions pas encore 20 ans. L’époque était à la communauté, on a vécu ainsi pendant deux trois ans, portant cheveux longs et fringues bigarrés, fumant beaucoup de zamal (la marijuana locale) et buvant plus que de raison. On jouait des reprises des titres de l’époque que l’on écoutait à la maison tant et tant, que l’on n’avait pas besoin de les travailler". D’abord sous le nom de « Soul Motors », cette équipée sauvage a très vite laissé place aux « Lords », puis à « Pop Décadence » qu'Alain quitta en 1975 pour former « Satisfaction ». "On a été les premiers à la Réunion à jouer dans des stades. A cette époque, aucun de nous chantait le maloya, ni même en créole. Cela est venu après".
Rock, séga et maloya
Le raz de marée disco et le peu de débouchés du l’île, conduisent plus d’un musicien à quitter la Réunion. Alain, lui, choisit de rester et s’enracine encore plus au cœur du patrimoine populaire réunionnais. Il adopte le créole comme langue d’écriture. "Le déclic s’est produit quand il a rencontré Jean Albany, un des plus grands poètes réunionnais" relate René Lacaille. "Ensuite, tout a mijoté dans sa tête. Le rock, le séga, le maloya ont pris place dans ses compositions". C’est dans un studio de fortune installé dans les sous-sols du cinéma Royal à Saint-Joseph que René Lacaille, Alain Péters et une bande d’amis (Joël Gonthier, Bernard Brancard, Hervé Imare et Loy Ehrlich, un autre métro’ fraîchement installé) donnent naissance au répertoire des « Caméléons ». Nourries de rythmes traditionnels et d’influences plus électriques, de maloya et de rock progressif, ces chansons indiquent un tournant, une nouvelle direction que prolonge dès 1979 un autre groupe: « Carrousel » au sein duquel on retrouve Alain Péters (chant et basse), Zoun (flûte et percussions), Joël Gonthier (percussions), Jean-Claude Viadère (chant, caïambe), Bruno Leflanchec (trompette) et Loy Ehrlich (claviers). Là, encore Alain Péters qui replonge dans l’alcoolisme suite au décès de son père, entraîne le groupe à la rupture. Aucun de ses proches ne peut rien pour lui. Sa compagne le quitte. Alain Péters développe alors son art hors des circuits balisés.
Il abandonne les scènes pour ne plus jouer que dans les bars. Artiste de la rue, il vit au jour le jour, chantant sa souffrance à qui veut bien l’écouter. Jean-Marie Pirot, un professeur de math passionné de musique, sera de ceux-là. C’est d’ailleurs grâce à lui qu’aujourd’hui on peut entendre certaines des compositions d’Alain Péters. Réfractaire à l’idée de passer en studio, Alain accepte tout de même en sa compagnie d'enregistrer ses chansons sur un magnétophone 4 pistes. Entrecoupées par de nombreuses pauses, ses séances durent une bonne année. Une cassette, intitulée Romance pou in zézère accompagnée d'un livret de 60 pages, Mangé pou le cœur sort finalement au milieu des années 80. Alain ne va pas mieux. En 1987, il tente une cure de désintoxication sur le continent où il retrouve Loy Ehrlich. Ensemble ils enregistrent quelques titres sans suite. Vagabond de retour sur l’île, Alain continue de chanter comme il vit, au hasard des rencontres. En 94, « Carrousel » se reforme pour deux concerts exceptionnels. Ovationné par une foule debout, Alain Péters trouve dans cet accueil la force de nouveaux projets. Il décide d'arrêter définitivement de boire et imagine un projet d'enregistrement avec Loy, projet qui n’aura jamais lieu. Alain Péters s’est éteint le 12 juillet 1995 à l’âge de 43 ans, terrassé par une crise cardiaque en pleine rue. De lui, il disait juste : "Moin pas in beau paroler, moin just' in paraboler !" (Je ne suis pas un bon parolier, juste un paraboleur). Qu’importe, si ces paroles n’étaient que des paraboles. Aujourd’hui encore, elles nous disent l’essentiel de sa vie, l’essentiel de la vie, de la naissance à la mort.
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Cadeau
BONUS

pour ceux qui se sont intéressés au sujet jusqu'au bout :
La chanson "Rest' la Maloya" à écouter ICI
avec paroles (créoles) à lire ICI
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